Dalloz Actualité – 4 avril 2019 – auteur Julie Couturier

La péremption du commandement de payer valant saisie immobilière peut être soulevée d’office par le juge. La péremption ainsi constatée met fin à la procédure, laquelle ne peut donc être déclarée nulle et de nul effet. 

Civ. 2e , 21 mars 2019, F-P+B, n° 17-31.170 

Cet arrêt nous livre un double enseignement sur l’office du juge en matière de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière et sur les effets de cette péremption. 

Dans cette affaire, une banque avait fait délivrer à ses débiteurs un commandement de payer valant saisie immobilière. La procédure de saisie immobilière ainsi engagée avait été annulée par une décision du juge de l’exécution, confirmée en appel. Cet arrêt confirmatif a été cassé par la Cour de cassation. 

Plusieurs années s’étaient donc écoulées entre le début de la procédure (initiée en 2011) et la procédure devant la cour d’appel de renvoi (en 2017) sans que la banque poursuivante ait fait proroger les effets du commandement qu’elle avait fait délivrer et publier. 

Or, il convient de rappeler que le commandement de payer valant saisie cesse de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi (C. pr. exéc., art. R. 321-20) ou une décision de justice ordonnant la prorogation des effets du commandement (C. pr. exéc., art. R. 321-22). 

C’est pourquoi la cour d’appel de renvoi a, par un premier arrêt avant dire droit, invité les parties à présenter leurs observations sur la péremption du commandement et, aux termes d’un second arrêt, constaté cette péremption et déclaré la procédure nulle et de nul effet et la banque irrecevable en ses demandes. 

La banque poursuivante s’est pourvue en cassation contre ces deux arrêts. 

 

L’office du juge en matière de péremption du commandement 

La banque critiquait l’arrêt avant dire droit pour plusieurs motifs. 

En premier lieu, elle faisait grief à la cour, qui n’était pas saisie par les débiteurs d’une demande tendant à voir constater la péremption du commandement (et pour cause, puisqu’ils avaient saisi le juge de l’exécution, par une procédure distincte, d’une demande de constatation de la péremption de sorte qu’ils demandaient « seulement » à la cour de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de cette procédure), d’avoir modifié l’objet du litige (qui, rappelons-le, est déterminé par les prétentions respectives des parties selon les art. 4 et 5 c. pr. civ.) en ordonnant la réouverture des débats afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur la péremption du commandement et ses effets. 

La banque reprochait, en deuxième lieu, à la cour de l’avoir placée en situation de net désavantage par rapport aux débiteurs saisis, en ordonnant la réouverture des débats pour leur permettre de former une demande tendant à voir constater la péremption du commandement et, ce faisant, d’avoir violé le principe d’égalité des armes. 

La banque soutenait, en troisième lieu, que la péremption du commandement n’intervient pas de plein droit, qu’elle ne peut être soulevée d’office par le juge et que les débiteurs auraient dû, en tout état de cause, la soulever à l’audience d’orientation dès lors qu’elle était acquise à cette date. 

La Cour de cassation écarte l’argumentation de la banque pour retenir que le juge, qui constate que le commandement de payer valant saisie immobilière est périmé, peut le relever d’office. 

La Haute juridiction retient également que la cour n’a ni modifié l’objet du litige ni violé le principe d’égalité des armes dès lors que les débiteurs saisis avaient soutenu que le commandement de payer valant saisie immobilière avait cessé de produire ses effets. 

Autrement dit, les débiteurs n’avaient pas eu besoin que la cour leur souffle l’idée de la péremption dans le creux de l’oreille puisqu’ils avaient, choisissant un chemin procédural moins direct, demandé au juge de l’exécution de la constater, raison pour laquelle ils demandaient à la cour de surseoir à statuer en attendant sa décision. 

La Cour de cassation rejette donc logiquement le pourvoi en ce qu’il était dirigé contre l’arrêt avant dire droit. 

Ainsi, la deuxième chambre civile poursuit-elle son travail de de délimitation des contours de l’office du juge de l’exécution. 

 

Les effets de la péremption

Aux termes de son second arrêt, la cour d’appel avait, après avoir constaté la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, déclaré nulle et de nul effet la procédure de saisie immobilière.

Sur ce point et sur ce point seulement, la Cour de cassation casse (sans renvoi) l’arrêt de la cour d’appel au motif qu’en statuant ainsi, alors que le commandement valant saisie immobilière cesse de plein droit de produire effet en cas de constat de la péremption, mettant ainsi fin à la procédure de saisie immobilière, la cour a violé les articles R. 321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d’exécution.

L’arrêt, rendu au visa de ces deux articles, sanctionne la cour d’appel quant aux conséquences qu’elle tire de la péremption qu’elle constate. 

En effet, la péremption du commandement entraîne la cessation de la procédure et non sa nullité : la cour prononce une sanction qui n’a pas lieu d’être et attribue à la péremption un effet qu’elle ne peut avoir.